• 012 - Postface

    Postface ~ L'Achèvement du Prologue
     
    Je soulevais le rideau du revers de la main.
    "Il pleut toujours..."

    Je me retournais et m'assis en soupirant. Toi, tu étais là, assise sur le fauteuil, en train de repriser mon uniforme. Ton air si serein et si calme me désespérait. Comment pouvais-tu être aussi neutre face aux événements extérieurs ? De rage et de tristesse, je croisais mes bras sur la table et enfouis ma tête dedans.
    "Les dieux sont en colère contre nous, c'est pour ça qu'il pleut tout le temps."
     
    Cousant à la main, tu ne répondis rien. De toute façon, ta voix, je savais que tu l'avais perdue depuis longtemps. Tu t'es donc contentée de verser des larmes silencieuses sur le faux sourire collé à ton visage. Je te regardais, la tête penchée sur mes bras, puis je la relevais pour regarder en face de moi. Je vis ce fichu sabre, qui était sensé me servir à tuer des gens.
    "Putain de guerre. Si on avait pas déconné, on en serait pas là."
     
    Tu ne réagis pas. Je fermais les yeux sur tes doigt qui s'appliquaient à leur tâche, puis je fermais les yeux.
     
    Des petites tapes de plus en plus insistante s'acharnaient sur mon épaule gauche. Les mains qui me les infligeaient finirent par agripper mon col et tirer d'un coup en arrière. J'ouvris les yeux.
    "Kyomu..."
     
    Tu affichais un sourire très fier. Tes yeux brillaient, et tu me tendais mon uniforme. Le même qu'avant. Je pris l'ensemble délicatement dans mes mains, et regarda le travail que tu avais fais. Un travail extraordinaire. Je retournais la veste, et y vit une grande fleur. A l'endroit de la plus grande entaille sur le vêtement, tu avais cousu une grande fleur. Je souris et te pris dans mes bras.
    J'enfilais l'uniforme. Il était comme neuf. Prenant mon sabre et posant mon béret sur ma tête, je pris un air très sérieux et te dis.
    "Je promets de vous protéger, mademoiselle !"
     
    Et tu éclatas d'un grand rire muet. Ton grand-frère ne ressemblait pas à un héros, ma pauvre Kyomu. Il était bien trop faible et chétif pour ça, mais on lui avait malgré tout collé un sabre dans les mains pour aller au combat. Tu me serras dans tes bras, de ta toute petite taille. Je caressais tes cheveux blancs.
    "Ne t'inquiètes pas, Kyomu. On va les avoirs, ces Choses. Je ne laisserais personne te prendre quoique ce soi d'autre."
     
    La permission se finit quelques jours plus tard, et il me fallut repartir au front. Toutes les personnes, hommes, femmes, enfant, vieillards n'ayant pas été victimes des Choses devaient prendre les armes. Seules les victimes des Choses étaient trop faibles pour se battre contre les Choses. S'était ce que le gouvernement avait dit. J'étais d'accord, au moins, Kyomu ne devrait pas se battre. Une Chose lui avait déjà pris sa Voix et ses couleurs, la rendant aussi blanche et muette qu'une feuille de papier sur laquelle on aurait esquissé une silhouette. On arriva sur le champs de bataille.
     
    Çà et là, d'énormes trou qui auraient pu provenir d'obus, s'ils n'avaient pas été creusés par les Choses. Des cadavres d'humains jonchaient le sol, et je dus me retenir pour ne pas vomir devant ce spectacle et l'odeur immonde qui en émanait. J'entendais une fille d'environ mon âge hurler et se jeter sur un des corps, qui devait appartenir à son père.
     
    Ce n'était que lorsque les pères furent presque tous morts que les jeunes adultes, les femmes, les enfants et les vieillards furent obligés de prendre part au combat. Moi, j'appartenais à la troisième catégorie. Des plus jeunes que moi étaient en train de pleurer, de peur, de fatigue, de douleur, car un sabre est beaucoup trop lourd pour un enfant. Les personnes âgées disaient aux plus jeunes qui leur demandaient qu'ils allaient bien, et que de toute façon, ils n'avaient plus rien à perdre, malgré la lueur triste de leurs yeux. Les mères, épouses et fiancées étaient en larmes devant la perte d'un fils, père, maris. Et moi j'étais là, chétif et faible, avec un sabre qui devait faire ma taille et pesait le double de mon poids, à la fois triste pour tout ceux autour de moi, en colère contre les Choses et tranquille de savoir que ma proche à moi, la seule, était au chaud à la maison. De toute façon, on allait gagner, s'était sûr. On était bien plus nombreux.
     
    Les choses apparurent au fond, et les chefs d'état, n'ayant plus eut d'autre choix que de remplacer les généraux décédés, nous intimèrent l'ordre de nous ressaisir, de nous armer et de ne faire demi tour que lorsque nous auront vaincu l'ennemi. Toutes les personnes autour de moi semblait être prises d'un souffle nouveau que je ne possédais pas : la vengeance. Lorsque le cri d'alarme devant nous envoyer au combat retentit, je partis en courant, suivant les autres. Dégainant mon sabre, ignorant les cadavres et trous sous mes pieds. Les Choses se succédaient, mais contrairement à nous, dès que deux mourraient, elles se rassemblaient pour n'en reformer qu'une. Du côté des hommes, on tombaient tous les uns après les autres, quelle que soit notre âge. Je ne me battais plus, je regardais impuissant le spectacle sous mes yeux. Je me retournais soudain, sentant un souffle dans mon dos. Une Chose s'apprêtait à m'attaquer.

    Je me suis écarté en hurlant, et suis tombé dans un trou de terre meuble. Avec mon sabre, je me suis creusé un abri, et je suis resté dedans, recroquevillé, les mains sur les oreilles et les yeux fermés, m'assurant juste que mon souffle était trop faible pour être entendu et priant pour que personne ne me trouve.
     
    J'avais du m'endormir, sinon, le silence soudain m'aurait alerté. Je suis sorti de mon trou et ai escaladé la crevasse pour voir où s'était rendue la bataille. Tout les humains étaient morts où agonisants. Je vis une mère gravement blessée serrer son fils d'une dizaine d'année dans ses bras. La jeune fille qui avait vu son père mort était maintenant elle-même un cadavre entre les bras d'un jeune homme ayant perdu la vie en même temps que la tête.
     
    J'étais écoeuré. Tant par ce carnage immonde que par ma lâcheté. Alors que les derniers survivant s'étaient battus jusqu'à la mort pour notre liberté, moi, je m'étais caché. Par peur. Je n'étais plus seulement chétif et faible. J'étais un couard, un lâche, un imbécile même pas capable de se battre pour les causes qu'il défend. Ce fait me dégoûtait plus encore que les déchets sanglants étant autrefois des être vivants qui jonchaient le sol. Mon sabre, que j'avais gardé à la main, je le jetais violemment sur le sol en hurlant. Continuant d'avancer parmi les cadavres, j'ai soudain vu un petit enfant caché qui sanglotait. Lui, on ne pouvait pas lui en vouloir. Il n'était pas un lâche ni un traître. Il était un enfant. Il avait cinq années de moins que moi. Je lui ai demandé ce qui s'est passé. Il m'a regardé d'un air terrifié et puis il a pointé le doigt vers l'endroit d'où je venais. Du noir. Ce fut tout ce que je vis. Une énorme ciel noir en train d'aspirer la terre. Je me suis levé et j'ai essayé de prendre l'enfant dans mes bras. Il a poussé un cri, et j'ai vu l'énorme plaie béante dans son dos.
     
    Il avait été blessé. Un enfant d'environ huit ans s'étaient plus battu que moi. Ce fut un nouveau coup de couteau dans mon esprit. J'ai posé ma veste dans par terre et j'ai enlevé ma chemise. Le contact de la pluie sur mon torse nu ne me fit même pas frissonner. J'ai pansé la plaie de l'enfant du mieux que j'ai pu. J'ai remis ma veste sur mon dos.
    "Fais chier..."
     
    Je l'avais posée dans une flaque d'eau. Enfin, un mélange de pluie, de terre et de sang. J'ai pris l'enfant dans mes bras, prenant soin de l'abriter sous ma veste. Si j'arrivais au moins à lui sauver la vie... J'ai continué d'avancer. L'enfant m'a dit que je pouvais le poser, que de toute façon, il allait mourir. Ses yeux tristes et fatigués m'ont déchiré à l'intérieur. Je l'a posé sur le sol, et en me remerciant d'un regard, il est reparti dans la direction opposée en titubant.
     
    Je marchais sans savoir vraiment où j'allais. Et puis, j'ai vu la porte lumineuse.

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